L’IA est en train de tuer le web. Peut-on encore le sauver ?
L’IA est en train de tuer le web. Peut-on encore le sauver ?

Un matin, vous tapez une question dans un chatbot. En quelques secondes, la réponse apparaît, limpide, fluide… et sans aucun lien vers le site d’où proviennent les informations. Vous ne vous en rendez même pas compte, mais vous venez peut-être d’assister à la fin de l’internet que nous connaissions depuis 30 ans.

Ce n’est pas de la science-fiction. C’est ce qui se joue en coulisses alors que l’intelligence artificielle dévore littéralement le web.

Le vieux pacte du web est rompu

Depuis les débuts du web, un accord tacite liait les créateurs de contenu aux moteurs de recherche : laissez vos pages être explorées, et vous recevrez du trafic en retour. Ce contrat invisible a structuré l’économie numérique. SEO, backlinks, taux de rebond… tout gravitait autour du sacro-saint clic.

Mais en 2025, ce modèle chancelle.

Les robots d’OpenAI, d’Anthropic ou de Google Gemini ne se contentent plus d’indexer les contenus : ils les absorbent, les résument, les reformulent… et surtout, les redistribuent dans des interfaces fermées. Fini le renvoi vers la source. Fini le trafic. Fini le business model.

Une marée de bots, un recul de l’humain

Selon Cloudflare, pour un utilisateur humain envoyé vers un site, OpenAI envoie 1 500 bots. Anthropic ? Jusqu’à 60 000. Un raz-de-marée automatisé. Les robots lisent le web bien plus que les gens, et surtout sans laisser de trace ni de valeur en retour.

Linda Tong, PDG de Webflow, parle d’un “changement de paradigme profond”. Elle observe une explosion de trafic robotique (+125 % en six mois), tandis que le trafic humain plafonne ou s’effondre.

Deux sites pour deux mondes

Face à cette mutation, certaines entreprises construisent littéralement deux versions de leur site : une riche et interactive pour les humains ; l’autre, minimaliste et structurée, pour les bots. Un internet à deux vitesses, où l’on décide à qui montrer quoi.

Ce n’est pas un détail technique. C’est une question de survie.

L’ombre d’un précédent : le syndrome Instant Articles

L’histoire bégaie. En 2015, les éditeurs de presse ont cru à la promesse des Instant Articles de Facebook. Accès rapide, public captif, trafic démultiplié. Résultat ? Zéro contrôle, revenus décevants, dépendance fatale. Le programme a été discrètement abandonné en 2023.

Aujourd’hui, les géants de l’IA rejouent le même scénario — mais en plus radical. Cette fois, les éditeurs ne voient même pas les lecteurs arriver. Le contenu est digéré, synthétisé, et redistribué… ailleurs.

Adam Singolda, patron de Taboola, ne mâche pas ses mots : “On a déjà vu ce film. Et on sait comment il se termine.”

L’alternative : bloquer ou faire payer

Alors, que faire ? Certains — New York Times, Reddit, Vox — ont signé des accords de licence avec les fabricants d’IA. Beaucoup d’autres n’ont ni le pouvoir de négocier ni la possibilité de bloquer efficacement les bots, surtout ceux qui ignorent les règles ou se cachent derrière des serveurs proxy.

D’autres encore adoptent une stratégie hybride : livrer un résumé, un extrait, une version édulcorée… pour rester visible sans tout sacrifier. Une stratégie défensive dans un paysage devenu chaotique.

Et demain ?

Certains misent sur des solutions maison. Taboola, par exemple, développe Deeper Dive, un module d’IA intégré aux sites des éditeurs, qui permet aux utilisateurs d’interagir avec les contenus sans quitter l’écosystème. Une manière de garder le trafic, la donnée… et la confiance.

Et c’est peut-être là le nerf de la guerre.

Dans un monde d’informations générées par des machines, le lien de confiance entre un humain et une source identifiable devient une denrée rare. Et précieuse.

Car lorsqu’il s’agit de votre santé, de votre argent ou de vos enfants… vous voulez savoir qui vous parle.

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