Les chaînes de montage se sont tues, les ateliers résonnent d’un silence inhabituel et les concessionnaires attendent des livraisons qui n’arrivent plus. Depuis le début du mois de septembre, Jaguar Land Rover est à l’arrêt, victime d’une cyberattaque qui a plongé le plus grand constructeur automobile britannique dans le chaos numérique, tout en révélant une faille inattendue : l’absence d’assurance cyber au moment du coup fatal.
Ce qui rend la crise encore plus lourde n’est pas seulement la paralysie de la production, mais le fait que JLR n’avait pas finalisé de couverture d’assurance contre ce type d’incident. Selon des sources du marché, un contrat négocié par le courtier Lockton était encore en discussion lorsque l’attaque a frappé, laissant l’entreprise exposée à devoir assumer seule les coûts potentiellement colossaux. Une erreur stratégique qui surprend dans une industrie aussi dépendante des systèmes numériques et des chaînes d’approvisionnement interconnectées.
L’impact s’est déjà fait sentir. Les lignes de production stoppées le 2 septembre ne redémarreront pas avant le 1er octobre au plus tôt, selon l’annonce officielle du groupe. Les concessionnaires, eux, peinent à satisfaire leurs clients face au manque de véhicules disponibles. L’onde de choc dépasse les murs de l’entreprise : fournisseurs, salariés et distributeurs, tous se retrouvent entraînés dans cette incertitude.
Face à l’ampleur de la crise, le gouvernement britannique est intervenu. Le secrétaire aux Affaires, Peter Kyle, et le ministre de l’Industrie, Chris McDonald, ont rencontré les dirigeants de JLR pour discuter des conséquences et des pistes de redémarrage. Kyle a assuré que remettre le constructeur « en ligne le plus rapidement possible » était une priorité nationale, soulignant le poids symbolique et économique de JLR dans l’automobile britannique, secteur clé employant des centaines de milliers de personnes.
Dans l’ombre, des spécialistes en cybersécurité, le National Cyber Security Centre et les forces de l’ordre épaulent les équipes internes de JLR. Leur mission : contenir la brèche et garantir une reprise d’activité sécurisée. Le constructeur, de son côté, insiste sur son engagement envers ses partenaires et clients. « Notre priorité reste de soutenir nos clients, nos fournisseurs, nos collaborateurs et nos distributeurs », a déclaré l’entreprise, tout en appelant à la patience face à cette épreuve.
Mais derrière ces messages de résilience se cache une leçon difficile. Sans assurance cyberactive, JLR pourrait devoir absorber des coûts qui se chiffrent déjà à plusieurs centaines de millions de livres. Ce qui hier encore était considéré comme une assurance secondaire s’impose désormais comme une protection vitale face aux menaces numériques capables de paralyser des usines entières.
L’affaire pose une question plus large : à quel point les grandes entreprises industrielles sont-elles réellement préparées à l’inévitable montée des cyberattaques ? Et les conseils d’administration prennent-ils suffisamment au sérieux les risques liés à l’absence de planification et de couverture adaptée ? Pour Jaguar Land Rover, déjà engagé dans le défi colossal de l’électrification et de la concurrence mondiale, ce coup porté au cœur de son organisation tombe au pire moment.